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« Quelle politique fiscale pour l’Europe ?
par Ilhame Radid
06 11, 2015 | dans Entreprises, Politiques publiques | 0 Commentaires
C’est dans un contexte de mondialisation accrue, submergé par des crises économique successive que la question de la fiscalité est devenue à ce jour l’objet incontournable du débat européen et dans les différents gouvernements de l’Union européenne. A l’image du système fiscale français en pleine transition avec au cœur de sa politique cette notion de « justice » fiscale, l’Europe est en quête d’une finalisation plus concrète d’une harmonisation fiscale afin de protéger la zone euro d’une concurrence fiscale déloyale qui lamine les petites et moyennes entreprise de l’Europe. Par ailleurs la crise de la dette publique et les conséquences des différentes politiques d’austérité mené de front et suivi par une partie des pays du nord de l’Europe ont montré l’urgence de procéder à un rééquilibrage des finances publiques.
Avant d’entrer dans le vif du sujet prenons le temps de définir la fiscalité. La fiscalité comprend l’ensemble des réglementations relatives à la définition et aux modes de recouvrement des impôts prélevés au profit de l’Etat et des collectivités territoriales, à cela s’ajoute d’autres prélèvement dit obligatoire comme les prélèvements sociaux par exemple. En France la fiscalité s’inscrit aussi dans le droit constitutionnel, en 2013 les prélèvements obligatoires devraient atteindre 46% du PIB, un taux qui indique combien, à partir de 2008, la crise a fortement accrue le poids des impôts à l’image de l’Union européenne où le taux de prélèvement atteint 40% contre 25% au Japon ou aux Etats-Unis.
Je me permets, par ailleurs, afin d’avoir une meilleure compréhension du sujet, d’essayer d’expliquer succinctement comment fonctionne la politique fiscale européenne. En effet les différences fiscales entre les Etats membres peuvent entraîner des distorsions de concurrence au sein du marché intérieur (Ex : L’Irlande) comme extérieur (Ex : la Chine). Par ailleurs, certains pays à la fiscalité avantageuse permettent aux multinationales de ne pas être redevables de l’impôt sur les sociétés chez les voisins européens (les entreprises concernées parlent d’optimisation fiscale) où elles réalisent pourtant du chiffre d’affaire (les pays comme le Luxembourg par exemple). C’est la raison pour laquelle l’Union européenne s’est intéressée aux enjeux fiscaux.
Les politiques fiscales relèvent principalement de la compétence des Etats membres, ces questions restant en effet un symbole fort de souveraineté. A ce titre et sur la base du principe de subsidiarité, il n’existe pas d’impôt européen. L’union européenne agit donc essentiellement sur la fiscalité indirecte (TVA, taxes spéciales sur les carburants, …), parce que celle-ci a des effets immédiats sur le marché intérieur.
De la compétitivité à la concurrence
La compétitivité fiscale a toujours été au cœur d’une controverse, cependant la situation financière et économique européenne précipite le débat et oblige les 27 à opter pour une réactivité plus accrue. Certains pays comme la France n’arrive plus à supporter les pays qui ont opté pour la compétitivité fiscale afin d’attirer des investissements à leur détriment. Les débats sociaux quotidiens autour de cette question en sont le témoin.
Les autres conséquences ne sont pas seulement interne à l’Europe car profitant de l’absence d’harmonisation fiscale en Europe de grands groupes issue des Etats-Unis (ex : GOOGLE, APPLE), de la Chine ou encore du Japon s’installent dans ces pays européens où la pression fiscale est faible et de ce fait inonde le marché européen en faisant fi des redevances fiscales des autres pays de l’Union.
Normalement, selon le principe de subsidiarité, chaque pays doit conserver la maîtrise de son niveau de dépenses publiques et de son degré de redistribution. Cela nécessite qu’il conserve la maîtrise d’une partie importante de ses recettes fiscales et, en particulier, de ses impôts, les redistributifs8. Cependant la concurrence féroce ouvre la donne à d’autres enjeux financiers.
La notion de dumping sociale défini comme une pratique consistant à enfreindre, à contourner ou à restreindre des droits sociaux légaux et à utiliser ces écarts afin d’en tirer un avantage qui s’assimile à une concurrence déloyale, génère une distorsion de concurrence qui engendre des profits disproportionnés. Enfin on note une fraude fiscale de plus en plus importante, de ce fait, la commission européenne s’est montrée durant ces dernières années plus alarmiste et plus pressante.
Des pistes de solutions…
Face à ces problématiques et le changement d’orientation politique européenne envisagée, Les chefs des différents gouvernements se sont réunis mercredi 22 mai 2013, suite au sommet européen consacré à la lutte contre la fraude fiscale. François Hollande a assuré que « ceux qui pensaient échapper à l’impôt en se réfugiant dans les paradis fiscaux doivent comprendre que le temps de l’impunité est terminé »12, il invite, par ailleurs les contribuables français à venir régulariser leur situation.
…Les politiques issues du PPE en accord avec les dispositions européennes
Avec en toile de fond une majorité conservatrice et libérale qui tient actuellement les rênes de toutes les institutions européenne, le parlement européen propose un plan d’action contre la fraude et l’évasion fiscales qui semble être en accord avec les grands principes de centre-droit du PPE, ainsi que des recommandations relatives à la lutte contre les paradis fiscaux et une planification fiscale agressive. Les principales propositions de la Commission européenne sont les suivantes :
Instauration d’un code du contribuable
Création d’un numéro européen d’identification fiscale
Mise en ligne d’un Portail fiscal
Mise en place d’un dispositif de traçabilité des flux financiers
Possibilité de mise en œuvre de sanction fiscale (relative aux fraudes)
Coopération administrative dans le cadre des échanges d’informations
Réflexion sur un mandat de négociation pour adapter les accords de l’UE avec la Suisse et les autres Etats européens non membres de l’UE.
Réflexion sur le calcul d’une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés
Rédaction en court d’un livre vert sur l’harmonisation fiscale, des états généraux et d’autres instances prévue à cet effet continu de travailler sur la question de l’harmonisation fiscale.
Réflexion sur la fiscalité écologique
La logique du PPE est plutôt calée sur l’austérité, la rigueur budgétaire, on en voit un exemple criant avec la Grèce qui a du même il y a quelques jours arrêter d’émettre sur les ondes de télévision et radios public pour faire des économies, ce qui en plus de bouleverser l’opinion ne relance pas l’activité économique.
…Quant au PSE
Par ailleurs les socialistes européens sont aussi à la pointe du combat contre les paradis fiscaux et pour un principe de réciprocité dans les pratiques avec les pays hors UE (Ex : la Chine). Cependant leur ligne de conduite se porterait plus sur la relance de la croissance et la dynamisation de l’emploi, bien que sur certain point les membres du PSE ne soit pas forcément tous en accord. Les pistes énumérées ci-dessus en termes de solutions rejoignent aussi les intérêts du PSE sauf dans la gouvernance qui se veut plus dynamisante et basé sur la relance Voici les mesures complémentaire émanant du PSE :
• Mise en œuvre de la taxe sur les transactions financière
• Renforcer les administrations fiscales
• Instaurer un système de rapports par pays pour les entreprises transfrontalières et les institutions financières.
• Définition de la notion de « paradis fiscale » et établissement d’une liste noire des paradis fiscaux repérés.
Le regard des experts
Même si aujourd’hui il existe plusieurs modèles sociaux en Europe, c’est bien le modèle libéral qui inspire de nombreux choix et qui modèle une Europe jugée souvent bien peu attentive au bien-être des citoyens. D’après le syndicat national unifié des impôts16, les tenants « du moins d’impôts, moins de services publics » inspirent le discours dominant et la plupart des décisions politiques. L’harmonisation fiscale européenne nécessitera, d’après ce même syndicat, une réflexion autour de l’instauration d’un « serpent social » qui viendrait compléter « le serpent fiscal » et ainsi rendre l’Union européenne plus juste et plus homogène.
Il semblerait que la voie de l’harmonisation et de la justice fiscale soit au cœur des préoccupations du syndicat. Par ailleurs, Michel Aujean17, démontre dans son analyse sur la politique fiscale européenne l’intérêt d’une harmonisation fiscale qui réunit, dans le cadre du « paquet fiscal »18, une approche globalisé (déterminé par la fiscalité des entreprises, des revenus et de l’épargne, et enfin la problématiques des retenues à la source sur les paiements transfrontaliers d’intérêt et de redevance entre entreprises) et une visions d’un impôt plus juste, pas « moins d’impôts » ni « plus d’impôts » mais un « mieux d’impôts ».
Enfin, d’après Daniel Gutmann il existe plusieurs démarches de réflexions qui sont les suivantes :
En partant du principe que l’Europe est un marché qui s’efforce de fluidifié les relations économiques entre entreprises, il faudrait supprimer les impôts qui constituent des obstacles à la réalisation de ces marchés, c’est pourquoi la TVA est harmonisé et que les droits de douanes ont disparu et que nous avons des directives qui supprime un certain nombre de frottement fiscaux sur les flux transfrontalier.
En partant du principe que l’Europe est un espace d’entraide fondée sur des valeurs communes, cela signifie que tous les Etats doivent se mettre autour d’une table pour lutter ensemble contre la fraude et l’évasion fiscale. Cela implique que la législation fiscale partout en Europe soit harmonisée
La dernière piste mais qui consiste un frein aux idées qui précèdent, c’est que l’Europe est un espace de concurrence fiscale qui est la dimension la plus ambigüe la plus problématique et qui fait obstacle à l’harmonisation Européenne.
Je retiens donc pour ma part le choix des « serpents », qui se veut avant tout d’être des outils afin de réduire les inégalités sociales pour une Europe sociale et plus juste fiscalement. Cependant, aujourd’hui si il y a un choix politique qui s’impose pour pouvoir définir une réelle piste de sortie il faudrait savoir dans quelle mesure la concurrence fiscale doit demeurer la valeur fondatrice sur laquelle repose la souveraineté fiscale européenne ? Et dans quelle mesure l’unanimité demeure véritablement une valeur légitime en matière fiscale ?
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