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Politique d’hébergement des grands exclus : Un empilement de dispositifs

par Ilhame Radid

04 27, 2015 | dans Expertise, Ingénierie, Politiques publiques | 0 Commentaires

Il est difficile de choisir un terme pour parler du thème que nous souhaitons aborder. Il est donc nécessaire d’énoncer ce que désigne « l’exclusion » pour pouvoir ensuite amener des éléments de mesure et de compréhension de ce qu’est le « grand exclus », mais aussi comment il se représente et comment ce public est pris en compte dans une société où la pauvreté, l’exclusion et la grande exclusion se côtoient de plus en plus. L’exclusion sociale représente alors des ruptures violentes des liens sociaux. L’exclusion peut s’expliquer par différents concepts comme la désaffiliation, la disqualification sociale ou encore la désinsertion sociale.

Un « grand exclu » qui est-il ? Comment se trouve-t-on dans une catégorie de grand exclus ?, processus qui prend le dessus sur les codes sociaux dont énumèrent le Dr Emmanuelli, c’est ce qu’on peut nommer la distorsion des repères comme le temps, l’espace, la mémoire, le corps, l’identité.
Les personnes SDF ne sont identifiées que par des termes privatifs : « sans domicile », « sans papiers », « sans filiation établie », « sans abri », « sans liens »… Tous ces qualificatifs leur font perdre toute appartenance et toute identité. « Le risque est que ces personnes à force d’être “sans” et oubliées de tous risquent par s’absenter d’eux-mêmes ». Un « grand exclu » est un vocable qui place la personne ni dans ceux sans dénomination, ni ceux qui ont une nomination fixe. Exclu de l’exclusion, terme qui apparait dans une dynamique sociale en mouvance, autant de terme pour définir ceux qu’on n’arrive pas à définir, les contours : le grand exclu.
La prise en charge des «grands exclus» qui relève de l’Etat a toujours et de tout temps représenté des difficultés dans sa mise en œuvre.
Quand le social prend le pas sur le carcéral
L’Etat a longtemps fait usage de la répression pour canaliser les mouvements de vagabonds et à prôner par la même occasion une politique de sécurité en direction de ce public. Le vagabondage était considéré comme un délit et puni par loi, il a fallu attendre le 1er mars 1994 pour voir disparaître du code pénal les dispositions répressives liées au vagabondage.
La première problématique des grands exclus c’est qu’ils ne sont pas demandeur, dans la grande exclusion, les miroirs sont en panne, les individus sont inscrit dans le dernier triptyque de Paugam : la marginalisation, ces derniers sont durablement exclus du monde du travail, perçoivent que très peu ou pas du tout d’aide financière de façon régulière, ils s’inscrivent dans une dynamique de non-recours et ont pour la plupart du temps, une ou des pathologies addictives.
Cependant, la conception de marginalité organisée colle plus à notre définition du grand exclus, on est bien en présence d’après Serge Paugam d’une personne qui reconstruit un cadre culturel symbolique et matériel tolérable dans un espace social en marge.
Entre 1983 et 2001, on relève 2 000 dépêches de l’Agence France Presse dont le titre contient « SDF » ou « nouveau pauvre », « mendiant », « vagabond », « clochard », « sans-abri », «sans-logis » ou «sans domicile fixe ». Nous sommes donc passé de la question sociale à la question politique car l’Etat c’est emparer de la question et à délivrer un certain nombre de dispositifs d’accueil.
Le cadre législatif et les différents dispositifs au début des années 80 pouvaient laisser entrevoir deux axes de prise en charge : l’un en lien avec les CHRS qui concernait les personnes qui pouvait entrer dans une logique d’insertion et l’autre ciblé sur l’urgence dans le cadre d’une aide ou d’un accompagnement limité (dans le cadre de la mise à l’abri par exemple et de la prise en charge des besoins primo quotidien).
L’évolution des dispositifs et de la prise en charge
L’émergence de la volonté politique va faire évoluer au fil du temps le dispositif, en effet, l’urgence sociale qui constitue la première porte d’entrée dans le dispositif de veille sociale va se baser sur un type de fonctionnement dual c’est le « SDF » qui va venir solliciter le dispositif au départ sur les périodes hivernal et ensuite à plein temps. On parle alors d’un passage de la position d’urgence à la position de stabilisation. Avant 1998, nous assistons à l’émergence de foyer de type CHRS d’urgence qui va se rapproché d’une forme d’accueil limité à une demande d’asile de nuit sociale qui a pour mission principale la mise à l’abri dans des conditions très sommaires. Bien que la création du dispositif de veille sociale a fait naître certains outils de régulation, d’observation et d’orientation (comme le numéro 115, l’émergence des SIAO, etc…), le public « grand exclus » qui ne sollicite pas le dispositif et n’entre que dans de très rares cas en relations avec les institutions ou les services sociaux ne bénéficie pas d’une éventuelle prise en charge.
C’est en partie de ce constat que le Samu Social a vu le jour en 1993 et a donc anticiper à certaines réflexions qu’encadre la loi de 1998 qui reconnaît au travers de son programme de prise en charge l’utilité et la pertinence des équipes mobiles. Le dernier né dans le cadre de la RGPP , est la DRIHL (la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement) qui est spécifique à la région Ile de France mais qui n’a jusqu’à lors pas réussi à intégrer le publics « grands exclus » dans le cadre de son dispositif et encore moins dans celui d’une prise en charge adaptée.
La multiplicité des dispositifs
Depuis 1985 nous avons été témoin d’une inflation des dispositifs qui nous amène aujourd’hui à en confondre certains. Par ailleurs, certaines instances voient leurs compétences s’enchevêtrer, d’autres manquer de moyens, d’autres encore ne sont pas très lisibles et enfin certaines ont peu d’impact sur le dispositif. Comme le souligne le sociologue Julien Damon « On y relève que la complexification croissante du droit et des organisations constitue un frein à l’efficacité », on note une complexité et un manque de lisibilité du dispositif au premier plan.
Malgré des tentatives de simplification comme en 2004 , on assiste à une inflation et une superposition des dispositifs, le fameux mille-feuille sociale qui au lieu de créer de la fluidification sur le parcours de l’usager créer des problématiques organisationnelles complexes et un retard dans la prise en charge.
Les limites bien connues de l’urgence sont les suivants :
• Le manque de place dédié aux grands exclus sur le dispositif (par exemple en Seine Saint Denis il existe qu’un seul centre qui accueille 20 personnes).
• Le manque de formations des travailleurs sociaux en direction de ce public.
• Malgré des financements dédiés aux grands exclus les crédits sont dirigés sur des nouveaux publics dits plus « insérable ».
• Une prise en charge limitée sur les questions médico-sociales malgré un arsenal administratif présent.
• Le fonctionnement des centres d’hébergement pas adapté.
Et enfin, l’approche globale du dispositif malgré ses différentes strates administratives semble nous indiquer les limites des politiques publiques alloués à la lutte contre les exclusions et notamment aux publics des grands exclus.

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