Blog
La dangereuse « accommodation » des « plans grands froids »
par Ilhame Radid
04 27, 2015 | dans Expertise, Ingénierie, Politiques publiques | 0 Commentaires
La « mise à l’abri » pilotée par l’Etat et organisée par différentes associations, (notamment au cœur des grands froids de l’hiver), peut être positive ou négative ?
Elle est positive si elle part de la préoccupation et de la volonté de protéger l’autre des dangers de la rue et du froid, en particulier du danger de la mort. Son fondement est humaniste et citoyen. Toutefois, « La mise à l’abri » devient négative et inacceptable lorsqu’elle traduit la peur des responsables ou des citoyens d’une nation d’être jugés coupables de la mort d’une personne sans abri.
Ce type de « mise à l’abri » devient négatif, lorsque à travers eux la société toute entière, la mettent en œuvre davantage pour se protéger de la culpabilité qu’engendre une mort dans la rue, que pour des raisons humanistes, de solidarité, de droit et de justice sociale. Dans ce cas de figure, la pratique de la « mise à l’abri » n’est plus une démarche profondément humanitaire, mais davantage de gestion de la rue.
Cette gestion primaire de l’humain, entraîne qu’aux grés du thermomètre, on ouvre et on ferme les centres d’hébergement d’urgence à travers deux critères principaux : La météorologie et la gestion financière (la plus réduite possible) des coûts des dispositifs d’hébergement d’urgence. Cela créer de la confusion entre les dispositifs d’urgence mis en place dans des périodes climatiquement difficiles et la responsabilité de la collectivité de proposer aux personnes survivantes dans la rue, des réponses adaptées et durables.
Cette approche permet de ne pas aller plus loin dans des créations de dispositifs adaptés à long termes qui viseraient pour ces personnes une « sortie de la rue » positive dans des lieux d’hébergement durables, dignes, adaptés…favorisant leur stabilisation.
L’intervention humanitaire d’urgence dans la rue n’a de sens que si elle propose un « après » concret. Elle exige que la société se dote de prises en charges spécifiques, actuellement peu ou pas existantes, entre la rue et l’insertion.
« Ramasser les SDF » quand il fait froid et les remettre dans la rue, sans proposition durable et adaptée à leur réalité du moment, lorsque le danger de mort est passé, est un véritable scandale dans un pays ou les droits humains sont érigés en normes.
Les professionnels de terrain observent une certaine « accommodation des plans grands froids » depuis quelques années, seul levier qui permet une visibilité des « grands exclus ».
Samu social-Maraudes : des actions de rue au plus près des grands exclus
L’urgence sociale fonde son engagement sur des principes d’urgence, la mobilité…. L’objectif premier est d’aller à la rencontre des personnes afin d’instaurer une relation de confiance et ainsi d’assurer une écoute, un soutien moral de qualité et de proposer des orientations pertinentes et cadrées.
Un véhicule sillonne les rues d’un territoire donné, à la rencontre des personnes vivant à la rue. La Régulation par le 115 et une coordination départementale assure un cadre et un soutien pendant le déroulement même de l’activité. L’activité est mise en réseau pour offrir une cohérence dans l’intervention des acteurs sociaux publics et associatifs et qui permet une grande proximité et efficacité des orientations.
Un public varié aux nombreux besoins :
On note des évolutions du public qualifiées de grands exclus, comme l’augmentation du nombre de femmes dans la rue. Il s’y greffe souvent des difficultés personnelles ou circonstancielles telles que des problèmes de santé, des troubles psychiques, des ruptures conjugales ou familiales, un décès…qui rendent les situations complexes et, parfois, inextricables pour tous les intervenants.
L’exclusion est alors vue comme un processus de désaffiliation économique, social et culturel qui touche une personne, la menant à la perte des liens économique, familiaux, sociétaux, à la perte de logement puis à la perte inconsciente du temps, de l’espace, du corps ( manque d’hygiène), de l’estime de soi. Métro, béton, pont, coin de rue, trottoir… montrent la fixité dans laquelle vivent les personnes SDF. Plus le temps passe et plus ils deviennent aussi fixes que leur environnement.
Sylvie Quesemaud Zucca, dit que plus les personnes sont désocialisées, et plus elles prennent racine à même le sol. C’est pour cette raison qu’il est essentiel de les aider à bouger avant qu’elles « prennent racine », car au fur et à mesure, le déracinement est douloureux. Dans les cas les plus extrêmes, il arrive parfois que la personne devienne un élément du paysage : adossée, couchée, au milieu de sacs, de cartons.
On remarque souvent que ces personnes, lorsqu’elles sont hospitalisées ou hébergées, ne supportent plus de rester dans un lieu clos sans étouffer. La rue et l’air libre les rappellent. A cela s’ajoute le fait que ces personnes qui subissent leur situation n’ont plus que le « non » à l’aide comme libre arbitre. Ce « non », c’est l’affirmation d’un droit ultime : rester dehors, quitte à mourir. Dans certains cas, ce « non » devient très inquiétant dans le sens où il peut être le reflet d’une « déliaison » au monde.
Le dispositif d’urgence social se trouve face à un paradoxe lié à l’incapacité de répondre aux besoins élémentaires et fondamentaux du « grand exclu » car les possibilités d’orientations sont presque inexistantes.





Laisser un commentaire